Cet article fait partie d’un « carnaval d’articles » initié par Philippe du blog Gourmet végétarien . Cela signifie que plusieurs blogueurs ont écrit sur un sujet commun, selon la thématique de leur blog. Ici le sujet est « le plaisir ». Vous trouverez un résumé des différents articles à cette adresse gourmetvegetarien.com
Comment parler du plaisir sans parler du corps ? Depuis la nuit des temps, le corps est associé à la maladie, la douleur, la souffrance. La peur de la souffrance ne peut être surmontée qu’en développant la capacité au plaisir. Pour cela l’émerveillement face au miracle qu’est le corps est nécessaire. Le plaisir n’est pas à rechercher à tout prix car ce n’est pas un but mais un principe…si nous le laissons couler de source. Qu’est-ce que le plaisir ? A t-il une fonction ? Quels sont ces effets ? Quel est le syndrome du plaisir ? Téléchargez mon guide « l’Audace d’aimer » qui est fort en lien avec cet article.
Le corps esclave et souffrant
Je voudrais dénoncer cette complaisance à la souffrance, si répandue en Occident, où l’on en fait l’une des plus hautes valeurs morales. cette tendance masochiste nous vient de la religion judéo-chrétienne. Depuis des millénaires, le corps a été considéré comme un esclave de l’esprit. Il faut réviser ce concept. Le corps envoie des informations précises à notre mental mais nous sous-estimons bien souvent cette information. Quand nous sommes fatigués, affamés, en besoin d’amour, nous avons souvent à l’esprit quelque chose de différent : un projet, une obligation qui nous fait différer la réponse à l’appel sensible de l’organisme. L’unité et l’harmonie interne se détériorent aux dépens de projets extérieurs. Nous avons dévalorisé le corporel à l’infini. Nous torturons notre corps avec des cigarettes ou des aliments « toxiques », des horaires contre nature, des contraintes parfois inhumaines, des frustrations. Pourtant le corps est aimable, il possède une merveilleuse harmonie. Il est voluptueux et intrinsèquement beau, source de plaisir.
Le corps source de plaisir.
Je propose pour définition du plaisir : « un accord magique de l’individu avec lui-même et son milieu » L’apprentissage du plaisir se fait à partir du corps, et même en corps à corps. Quand l’enfant est petit, c’est la satisfaction de ses besoins corporels qui lui apporte du plaisir : téter, manger, dormir, être touché, bercé.. Plus la mère sera attentive à cette période et plus l’enfant ancrera en lui la « nécessité vitale du plaisir » et conservera ce potentiel à l’âge adulte. C’est évidemment par le contraste avec la frustration que le même enfant saura reconnaître le plaisir mais il n’est pas nécessaire de créer sciemment des frustrations (comme je l’ai déjà entendu dire !!!) pour lui apprendre que plus tard il en aura. Plus il aura été « autorisé » au plaisir et plus il saura se reconnaître lui-même comme source de plaisir. Le vécu de plaisir aide à la personnalisation (lien entre psyché et soma) et le corps a la mémoire du vécu ; il se souvient du plaisir vécu et recherchera ces mêmes plaisirs. Le plaisir sera naturel. N’oublions pas que nous les êtres humains, nous naissons incomplets et avons besoin d’une longue période de dépendance aux personnes qui prennent soin de nous. Vouloir rendre trop vite les enfants « autonomes », les sevrer trop tôt, c’est les exposer plus tard, à la dépendance aux plaisirs pervers, défendus, aux drogues, aux bandes pour trouver l’indispensable plaisir.
Restaurer le plaisir
Toute thérapie devrait viser à restaurer la notion de plaisir du corps. En effet, le plaisir est une sensation qui participe à la prise de conscience de notre corps. Il faut apprendre ou réapprendre par le plaisir. Tout ce qui se fait par plaisir va dans le sens de notre survie d’abord et de notre joie de vivre. Le plaisir participe de la magie de la vie.
Les portes du plaisir
Remarquons que tous les orifices du corps sont sources de plaisir marquant ainsi que le plaisir découle d’un échange vital avec l’extérieur; la bouche, l’anus, les organes génitaux, l’audition par le plaisir des sons, les yeux par le plaisir de voir. La peau également, cette organe qui marque notre limite physique avec l’extérieur, canalise le plaisir par le toucher, la caresse. Notre corps est totalement érogène. La libido est investie sur les zones corporelles qui correspondent aux premières expériences de plaisir de l’enfant.
Le plaisir restaure
Le syndrome du plaisir
Un syndrome est une réunion de signes ou de symptômes qui appartiennent à une unité clinique ; le syndrome du plaisir est l’ensemble des manifestations du plaisir dans le corps. Cliniquement, le plaisir stimule la partie parasympathique du système nerveux qui est trophotrope, c’est à dire animatrice de fonctions métaboliques, restauratrices d’énergie. Il active donc les capacités d’auto-régénération biologique. Voici le syndrome du plaisir :
- dilatation des vaisseaux sanguins périphériques
- ralentissement de l’activité cardiaque
- diminution de la pression sanguine
- contraction des pupilles
- augmentation de la sécrétion des glandes salivaires
- tonus musculaire relâché
Tout ce qui vient stimuler le plaisir : s’alimenter, l’activité sexuelle, le toucher affectif, les sensations esthétiques visuelles, auditives régénèrent la vitalité. Toutes ces activités précitées sont synonymes de bien être et leur pratique régulière favorise la joie de vivre. Aller à leur encontre de quelque façon est destructeur. Statistiquement il est prouvé, que les personnes en couple se portent mieux et vivent plus longtemps que les personnes seules, par exemple car la pratique de la caresse, de la tendresse, de la sexualité favorise a longévité.
Perversion du plaisir
Le corps socialisé : les interdits
En société, certains plaisirs sont permis, d’autres interdits : le corps est soumis à la frustration, à la norme. « Libérer le plaisir, surtout corporel, n’est pas chose aisée, puisque depuis l’éveil au jour, il a été combattu et bridé, non pas par le principe de réalité qu’il ne s’agit pas de nier, mais par le prétexte à réalité qui absout avec bonne conscience bien des crimes perpétués contre le plaisir »(R. Soulayrol dans Corps, plaisir et thérapie).
Le plaisir différé
Quand le plaisir est investi dans le futur, il y a risque de perversion et de dérèglement des fonctions organiques liées au plaisir. C’est évidemment le désir qui pousse à aller de l’avant mais il faut parfois prendre garde à doser le différé du plaisir, procéder par étape avec des récompenses intermédiaires et surtout chercher le plaisir immédiatement dans ce que l’on fait au lieu de le projeter totalement dans ce que l’on obtiendra. Il faut le chercher dans ce que l’on fait ou faire ce que l’on aime, ce pour quoi on est passionné.
L’âge du plaisir
Avec l’âge, se permet-on encore de prendre du plaisir ? On entend souvent « oh ! à mon âge… » c’est parce que la notion de plaisir est trop associée à la sexualité qui elle-même est tabou, surtout en avançant en âge. Les activités porteuses de plaisir sont parfois culpabilisantes.
La compulsion du plaisir
Certains plaisirs deviennent compulsifs (boulimie, sexualité compulsive, drogue, alcoolémie). Bien souvent les systèmes neuronaux d’auto-régulation du plaisir (émotionnels) ont été perturbés dans l’enfance. Il est possible de rétablir l’équilibre à tout âge au moins en partie.
Plaisir et désir
Plaisir et désir sont liés car c’est le désir (ou le besoin) qui initie le plaisir, obtenu lors de sa satisfaction. Une soif intense que l’on satisfait par exemple procure soulagement et plaisir. C’est le désir sexuel qui amène au plaisir. Un acte sexuel sans désir n’amène aucun plaisir et ne peut même logiquement avoir lieu. Le plaisir est le ciment du couple. Il légitime biologiquement la relation et permet à chacun de s’affirmer, de prendre sa place avec sa polarité, son identité sexuelle féminine ou masculine. Il permet la pérennité du couple, pas seulement par l’enfantement biologique mais par l’attachement entre les deux personnes.
Conclusion
En soi, le plaisir a une portée universelle puisque biologique, qui répond à un penchant naturel et instinctif. Tout ce qui touche au corps est régulé par la polarité plaisir/souffrance, manque/satisfaction. Le plaisir, est si l’on peut dire la récompense liée à la réponse faite aux besoins vitaux et désirs corporels. Comme tout ce qui touche de près au corps le plaisir est synonyme de péché ou de tabou et est réprimé de façon plus ou moins consciente. D’une façon très explicite par la religion mais aussi, plus subtilement par la civilisation et tous les diktats de la culture. Le plaisir est une réalité organique et pas une philosophie ou alors la philosophie doit intrinsèquement découler de la sensation organique. Le plaisir a donc une fonction primordiale car il :
- donne de la motivation et de la joie de vivre
- permet l’investissement et la restauration corporels
- Favorise unité, qualité, équilibre organique
- Connecte aux besoins essentiels et à la réalité de chacun.
Vivez-vous votre corps comme source de plaisir ? .
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Merci pour ton article que j’aime, Elisandre, car le plaisir corporel a toujours représenté une grande importance pour moi ! 😉
Je crois d’ailleurs (sauf exception pour des raisons spéciales) qu’il est difficilement envisageable d’avoir une vie spirituelle si l’on n’a pas intégré et assimilé le plaisir physique !
Ensuite, l’important c’est de ne pas confier à lui seul le gouvernail de notre vie !
Bravo encore !
@ bientôt!
Un article par Philippe : 7 Facettes du Plaisir en relation avec l’Alimentation
Bonjour Philippe et merci de ton commentaire !
Oui en effet, notre corps étant la manifestation matérielle de notre esprit, honorer notre corps en lui donnant ce dont il a besoin c’est lui faire plaisir et le considérer comme sacré.
Quand le plaisir corporel a du sens il est spirituel naturellement.
Merci
Elisandre
Je parlais sur les commentaires d’une collègue blogueuse combien la culture judéo-chrétienne a fait des ravages en ce qui concerne la notion de plaisir.
Ayant été interne dans un pensionnat catholique dès mon plus jeune âge, j’ai vite intégré que plaisir=péché. Notion dont j’ai mis des décades à me débarrasser avec l’aide d’une bonne psychanalyse. Je suis d’ailleurs bien d’accord avec Philippe une vie spirituelle ne sera réussie que si le plaisir physique a été bien intégré. Comment arriver au 10e étage sans être passés par le premier ? Difficile et bien des gens tombent dans l’ornière. Je fais abstraction du physique parce que je suis « spirituel ».
Excellent article qui remet pas mal de pendules à l’heure
Un article par Sylviane : l’antidote stress parfait- le plaisir
Bonjour Sylviane,
Moi aussi je confesse : interne dans un institut catho…oh de toute façon, là ou ailleurs nous sommes tous imbibés de cette culture.
Il y a un retour actuellement vers le corporel, le bien être (pudiquement), l’argent aussi dont on s’occupe davantage etc…
Le plaisir est le signe clinique d’un corps bien portant !
Merci à toi
Elisandre
Pingback: Le Plaisir …
Bonjour Elisandre
Merci pour cet article, véritable synthèse du plaisir 🙂
Comme vous le dites, c’est d’abord par la satisfaction de ses besoins fondamentaux que l’enfant découvre le plaisir. La succion et la proximité peau à peau de sa mère lui apportent le bonheur total.
Mais cela va encore plus loin puisque c’est en vivant et revivant ses moments de plaisir que l’enfant ressent un profond sentiment de sécurité. Et pour cause, lorsqu’on devient autonome, comment pourrait on ressentir le plaisir si nous ne nous sentons pas en sécurité ?
Un article par Anne-lise : Comment aider votre enfant à se concentrer
Bonjour Elisabeth,
Intéressant ton article
Le plaisir est le ciment du couple : et l’amour alors ? N’est-ce pas cela plutôt le ciment du couple. Tellement de gens éprouvent du plaisir sexuel lié à une pulsion et non à l’amour pour l’autre et règlent leurs comptes au lit ! Est-ce que plaisir est associé à distraction ?
Je suis surprise de cette affirmation « Le corps envoie des informations précises à notre mental mais nous sous-estimons bien souvent cette information ».
Pour moi c’est l’âme qui guide. Quand l’âme n’est pas contente, elle répercute sur les autres niveaux, et le corps physique arrive en dernier. Quand les besoins/demandes de l’âme sont satisfaites, tout va bien dans le corps. Le plus grand guérisseur, le Christ, reconnu par les Orientaux (puisque tu fais allusion à eux dans le chapitre souffrance), ne s’occupait pas du corps seulement. Il pouvait y poser une main dessus. Sûr la main rassure. C’est du visible. Il avait la capacité d’aller voir l’âme et les autres champs d’information pour régler le problème.
Peut-être qu’il manque un élément dans ton affirmation, non ?
En revanche bien d’accord avec toi, qu’il ne faut pas négliger son corps et le prendre pour une poubelle. Les gens mettent du super-carburant dans leur voiture quand ils passent à la pompe. Et pour leur corps, ils mettent du discount, histoire d’avoir un peu plus pour les soi-disant plaisirs.
Le corps porte notre âme qui a besoin d’un beau et bon berceau ! La plupart des gens qui vivent leur spiritualité au quotidien dans leur sanctuaire, pour faire écho aux idées de Sylviane, le savent bien et se sont attaqués au bien-être de leur corps.
Au plaisir du prochain article ….
Emmanuelle
Un article par Emmanuelle LABAT : Pourquoi les Hommes pleurent devant un film à l’eau de rose
Bonjour Emmanuelle !
Merci de tes remarques qui me permettent d’approfondir et/ou de préciser.
Mon point de vue sur le plaisir est celui de la « facilitatrice de Biodanza » que je suis, donc par mon propre vécu et l’enseignement que j’en fait depuis bientôt 20 ans. La Biodanza est un système de réhabilitation existentielle, créé par Rolando Toro dans les années 60, qui compte maintenant de très nombreuses écoles dans le monde.
Je vais bientôt pondre un article sur le sujet car en septembre, dans la ville (agen) ou je suis nouvellement installée je vais proposer des cours hebdomadaires. La Biodanza une proposition de « guérison » ou de mieux être , par le corps, donc directe et pragmatique. Le repère est le plaisir, le contact, le résultat est la joie profonde d’exister.
Le concept d’âme a une connotation « spiritualiste ». Me maintenant dans une posture laïque (pour tous), je n’emploie ce terme que rarement. Il est d’ailleurs extrêmement vague et indéfini. Dissocier « l’âme » du corps est la plus grande et la plus souffrante des propositions dont on a hérité. Elle est la racine du mal. Nous sommes un continuum d’énergies plus ou moins subtiles certes mais nous formons une unité organique d’informations.
On a torturé et on torture (ou au minimum on frustre) toujours les corps au nom de l’amour, au nom de Dieu, ou d’idéologies de toutes sortes. La fin justifie les moyens. Le paradis c’est après. Cela vient de cette idée aristotélicienne de séparation entre corps et esprit. Les mots eux-mêmes sont parfois dangereux. Il faudrait dire SOMA.
Soma ne divise pas : l’un ou l’autre. Soma est l’un ET l’autre en même temps. Soma est lié au concept quantique de non -séparativité.
Oui le plaisir est le ciment du couple. L’amour est encore un mot vague à préciser. L’amour entre homme et femme est un magnétisme fait de tellement de nuances….qui implique toutes le plaisir comme ciment. En dehors du plaisir de se voir, se toucher, échanger, construire etc…de couple il n’y a qu’une idée. L’amour sans plaisir est un non-sens.
Au plaisir d’échanger Emmanuelle !
Elisandre
Très bel article, Elisabeth ! qui dit avec justesse le fonctionnement de nos corps et les liens qui peuvent, physiquement, nous faire plaisir ! Merci pour ce développement passionnant !
Je voudrais juste dire un petit mot concernant les personnes âgées… Oui, je pense que la quête du plaisir change avec l’âge, mais je crois aussi que la ménopause, qui met à l’abri de la conception de manière plus naturelle que la pillule, attise la recherche du plaisir qui devient alors libre de toute autre préoccupation !
Une petite coquille, Elisabeth : Remarquons que tous les orifices d corps , au lieu de du corps dans les portes du plaisir.
Bonjour Bernadette !
Tu as tout à fait raison concernant la ménopause, mais je ne voulais pas parler de ces personnes là qui aujourd’hui à l’âge de la ménopause sont encore jeunes finalement (enfin, toutes ne sont pas encore comme cela); je voulais parler des bien plus âgés.
On a l’impression que plus les personnes vieillissent et plus le plaisir est un tabou; j’ai une voisine qui me dit tout le temps « faites-vous plaisir, vous êtes jeune »…moi à mon âge (elle a 76 ans mais elle est très vivante et dynamique et même jolie…. et c’est un point de vue un peu général mais qui va sans doute évoluer…
grâce à nous tous qui écrivons pour le plaisir et sur le plaisir !!
Merci Bernadette pour la coquille, je rectifie.
Elisandre
J’adore cet article !!!!!!! Merci Elisandre, je le garde dans mes favoris !
Un article par Marjorie / Histoire à Vivre : Un livre personnalisé, c’est quoi ??
Que ce soit avec quelqu’un ou avec soi-même, on a le droit de se faire plaisir par notre corps. Qu’il soit vrai ou pas le concept du tabou, on est libre de faire ce qu’on veut.
Un article par Nadine Perrot : L’importance d’un nettoyage des locaux à Nice